
Nicolas Brachet - Ingénieur expert en bâtiment
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Nicolas Brachet
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Les rôles de l'expert et du géotechnicien dans l'examen d'un sinistre Sécheresse

Ça et là, je lis des avis d'experts d'assurance, d'assuré, indépendants, judiciaires, ainsi que d'avocats qui commentent la place de la mission du géotechnicien, celle des experts et des assureurs dans la détermination du caractère déterminant d'un phénomène de sécheresse géotechnique.
Ces prises de position font naître dans les commentaires des notions telles que "rapport de complaisance" pour parler de la mission G0 incomplète dont le bénéfice semble être celui de l’assureur et polarise la gestion de ces sinistres autour d’un litige entre parties «intéressées» (au sens non noble du terme).
Comme dans une pièce de Molière, chacun décrit l’autre comme une caricature se sa fonction :
- L’assuré, son expert, son avocat, tous soucieux de tirer un maximum de prise en charge de l’assureur pour une maison vétuste
- L’assureur et son expert, désireux de réfuter autant que possible la garantie CAT NAT
Pour replacer l’église au centre du village, le débat se cristallise de prime abord sur la notion de caractère déterminant du sinistre, seul à même de faire basculer le sinistre dans le régime d’indemnisation des CAT NAT et cela inclut les avancées récentes de la loi BAUDU et la très récente ordonnance du 08 février 2023.
C’est à ce moment qu’entrent en scène les experts et les BE Géotechnique.
A eux tous, comment doivent-ils procéder pour qualifier ce caractère déterminant ? Et quel est le rôle de chacun ?
A la fin de ce post, la réponse à cette question ne sera pas énoncée sous ma plume, mais le débat laissé ouvert à toute personne souhaitant y participer, dans une ambiance courtoise, cela va sans dire.
Je pars du principe que le tropisme de la fissuration est tel qu’il évoque, a minima, une situation de tassement différentiel ou plus généralement d’un stigmate d’un Retrait Gonflement des Argiles. Ce constat liminaire sera dressé par un expert (missionné par n’importe quelle partie) qui devra avoir la capacité de discriminer la typologie de dommage dont il est question.
A ce stade, plusieurs éléments seront nécessaires dans l’instruction du sinistre, au titre desquels ladite qualification du caractère déterminant du sinistre, mais également les voies de réparation envisageables.
Du côté du géotechnicien, toutes ces attentes appellent naturellement à proposer (ou bien, à demander lorsque l’initiative est celle de l’expert ou de la personne sinistrée) une mission type G5 au sens de la norme NF P 94-500, car celle-ci propose un « DIAGNOSTIC GÉOTECHNIQUE»
Le rapport du Bureau d’Etudes propose alors une analyse des causes et parfois, selon les BE ou si la question a été posée, une affirmation de ce qui forme le caractère déterminant du sinistre.
La messe est dite.
Mais alors, quel est le rôle de l’expert ? Qu’il soit expert d’assuré, expert d’assurance, tiers-expert ou expert judiciaire, ce dernier a pour mission de déterminer les causes du sinistre et, dans le cas d’un sinistre placé sous le régime d’indemnisation des CAT NAT, le caractère déterminant du sinistre.
Une fois le rapport de mission G5 établi, sur fondement des mêmes mesures mécaniques et physico-chimiques que le BE, il est difficile de proposer une conclusion qui tendrait à être différente de celle du géotechnicien…
Ainsi, en confiant une mission G5 à un géotechnicien, l’expert sous-traite cet aspect de sa fonction et perd le contrôle de la détermination du caractère déterminant du sinistre.
Entendons-nous : Il ne s’agit pas de critiquer cette démarche de sous-traitance ou, pour employer un terme propre à l’expertise, de recours à un sapiteur. Il s’agit d’une pratique courante, honnête et intègre de la part de l’expert dès lors qu’il convient ne pas disposer de toutes les compétences ou des moyens nécessaires à répondre à une composante de sa mission.
Il convient simplement d’être conscient de ce qu’implique de confier une mission G5 à un géotechnicien, lequel est ordinairement probe et compétent dans son domaine.
Il m’est régulièrement arrivé de confier ce type de mission, notamment une fois que je souhaite prendre comme exemple.
En conclusion de son rapport, le bureau d’étude concluait au caractère déterminant du phénomène de RGA et, a fortiori, plaçait le sinistre dans le champ du régime d’indemnisation CAT NAT.
Mais, en lisant le rapport, il m’est apparu qu’aucun élément de l’analyse menée par le BE ne permettait de caractériser le caractère déterminant. L’avis sur le caractère déterminant avait été émis arbitrairement.
Des investigations complémentaires ont alors été demandées qui ont permis de conclure, sans modifier la conclusion en l'occurence, sur le fondement d’éléments objectifs.
Le premier rapport de mission G5 pouvait-il être qualifié de « rapport de complaisance » au bénéfice du sinistré, pour reprendre ces termes que j’ai déjà lu ?
Ma méthode :
Depuis lors, je tâche d’adapter ma demande au géotechnicien avec des requêtes d’investigations spécifiquement liées au site étudié (excusez le jargon), pour chaque sondage :
- Détermination de la VBA ou l’IP, la fraction argileuse C2,
- Essais et quantification du DeltaH / H
- GTR
- %W à plusieurs profondeurs
- Essai pressiomètre
- Essai pénétromètre dynamique
- Reconnaissance des fondations
Cette métrologie est celle d’une mission mission G0 améliorée ou d’une G5 sans analyse.
Je regroupe d’autres éléments et investigations, nécessaires à la détermination du caractère déterminant du sinistre et que le BE géotechnique n’aurait sans doute pas pris en compte dans une mission G5 :
- Examen de la superstructure pour qualifier le monolithisme du bâti,
- Examen des réseaux
- Examen des bâtiments du voisinage.
- …
Alors, fort de cet ensemble d’informations, je tâche de me prononcer sur le caractère déterminant du sinistre.
Et vous, comment procédez-vous ?